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Lettre contre la loi anti-squat

La lettre ouverte en PDF

Asnières-sur-Seine, le 13 janvier 2023

Objet : Protestation contre le projet de loi “Protéger les logements contre l'occupation illicite”

Madame la sénatrice et messieurs les sénateurs des Hauts-de-Seine,

Le 2 décembre 2022, une proposition de loi a été adoptée par l’Assemblée nationale. Votre Assemblée l’examinera le 31 janvier 2023.

Par ce courrier, nous, collectif Citoyens Fraternels 92, tenons à vous faire part de notre vive inquiétude et de notre engagement déterminé à rappeler notre obligation de solidarité envers les personnes mal logées. Nous voulons partager avec vous, dans un esprit de dialogue, les risques pour les personnes les plus démunies que nos associations et nos membres rencontrent et accompagnent au quotidien, si cette loi est promulguée en l’état.

Ce projet de loi initial vise à renforcer la protection des propriétaires-bailleurs en cas de squat de leur domicile, loi nouvelle qui succède à la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (Asap) du 7 décembre 2020 qui a révisé la procédure administrative d'expulsion (procédure accélérée d'évacuation forcée) des occupants illégaux (squatteurs) d'un logement, pour la rendre plus efficace.
Dans le texte qui vous a été transmis, son champ a été considérablement élargi en amalgamant squats de domicile, squats de logements totalement vacants, squats de locaux d’activité et locataires en impayés condamnés à l’expulsion, situations qui seraient passibles de prison et d’amendes très lourdes.

Ces amalgames criminalisent de fait les personnes à la rue se mettant à l’abri dans des locaux vides non destinés à l’habitation et les locataires de bonne foi avec retard de loyer. A titre d’exemple, le juge n’aurait plus le droit ni d’examiner de lui-même la réalité de la dette de loyer ni de suspendre la résiliation du bail à l’audience en cas de respect d’un échéancier de paiement de la dette.

Cette loi sera une loi du désespoir pour un nombre important de populations à faible revenu qui ne peuvent plus ou très difficilement se loger dans le parc privé et qui doivent attendre plusieurs années pour avoir accès à un logement social : on rappelle que, dans notre département, on comptait, fin 2021, 75 500 demandeurs de logement social (hors mutation) et que, cette même année, seulement 7 525 logements sociaux ont été attribués.

Cette loi sera une loi du désespoir car des familles auront le choix entre le risque de prison et la rue.
Prenons le cas des locataires auxquels leur propriétaire a signifié la fin du bail pour reprise du logement ou vente du logement, notification qui doit être faite six mois avant le renouvellement du bail. Si certains locataires vont trouver une solution (ou se porter acquéreur en cas de vente), les familles ou personnes à faible revenu vont se trouver dans une impasse sauf s’ils obtiennent un logement social ce qui prendra plusieurs années. Que peuvent-elles faire ?
Il y a dans notre département environ 2500 locataires demandeurs de logement social suite à une reprise de leur logement, chiffre en forte augmentation en 2021. En moyenne, ces dernières années, seuls un peu plus de 300 d’entre eux ont pu voir leur demande satisfaite chaque année. Pour éviter les sanctions que leur promet le projet de loi, ces 2500 demandeurs devraient tous obtenir immédiatement un logement social, ce qui reviendrait à leur attribuer un tiers de toutes les attributions hors mutation. Faute de le faire, cela revient à jeter ces familles à la rue car l’Etat n’est pas en mesure de proposer des solutions d’hébergement à la hauteur des besoins.

Nous aurions pu également citer le cas des impayés de loyer liés à des retards de versement de prestations dues (exemples : Indemnités Journalières, AAH) et d’autres encore.

Il a été maintes fois souligné que de nombreux locataires en difficulté adoptent des attitudes inadéquates par ignorance des dispositifs existants. Ne faut-il pas rendre obligatoire une information sur les quittances de loyer pour éviter de tels drames ?
Dans un contexte où l’accès aux droits est rendu plus difficile par la dématérialisation, la fracture numérique et le nombre insuffisant de travailleurs sociaux, est-il pertinent de réduire le temps permettant la mise en œuvre des dispositifs d’aide prévus par la loi ?

Nous pensons que ce projet de loi doit être profondément revu ou retiré dans le contexte de difficultés croissantes de logement dans les zones tendues comme la région Ile-de-France.
Nous sommes à votre disposition pour vous faire part de vive voix de nos analyses et des constats de terrain que nous faisons, et envisager des initiatives pour faire progresser le débat vers une approche plus sereine et plus humaine.

Nous vous prions d'agréer, madame la sénatrice, messieurs les sénateurs, l'expression de notre respectueuse considération.

Pour le Collectif Citoyens Fraternels 92,

Martine Théaudière, OPML 92
Henriette Bros-Lemoine, Secours Catholique
Sylvain Vallez, Secours Populaire Français
François Beaufine, Solidarités Nouvelles pour le Logement
Hélène Beck, Entraide Protestante

*Associations membres : Action Catholique Ouvrière (ACO) nord-92, Assol Maison des chômeurs et des précaires, Association Espaces, ATD Quart Monde 92, CCFD – Terre Solidaire 92, Observatoire de la Précarité et du Mal Logement 92, Entraide Protestante 92, Habitat et Humanisme, JOC Nord 92, Les Petits Frères des Pauvres 92, Secours Catholique 92, Secours Populaire 92, Solidarités Nouvelles pour le Logement 92, Entourage, Maison de la Solidarité, Mon Epicerie, Carton Plein, Cités Caritas, Karibu, Solidarité Jeunes Etrangers 92

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